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Sheila de la CAL PÉREZ (ES), pa/RADIS


pa/RADIS

- Je suis une Attentiste -

J'ai eu une idée.
Puis une autre, etensuiteuneidéeaprèsl'autrejusteavantd'avoirencoreune.
Fatiguée de cet orage qui inconfortait fort ma volonté de pauser mon cerveau - ce cendrier rempli de metafumée - j'ai fait grève. Fière, je me suis servie une autre jatte de café et, décidée, j'ai éteint ce mégot qui commençait à me brûler les doigts, seulement pour le plaisir de pouvoir m'allumer une autre clope.

Ensuite j'ai attendu, sur une chaise d'abord, puis sur le canap... sur les pavés, les jambes en l'air, sur une pelouse, entre les bras de celui que j'aimais, en plantant des oignons, dans la salle d'attente et dans la queue chez le boulanger, et encore pire, dans celle de l'ING, et dans les bureaux de tabac et de boissons spiritueuses, avec patience, sans impatience, avec les nerfs je vous dis pas dans quel état, sur les comptoirs, dans le bus, le menton posé sur le revers de la main droite, en souriant, en étudiant l'allemand, les yeux trempés, dans la douche, chez Rosa, en m'arrachant les cheveux, dans les cafés, dans le parc Saint Léonard, allongée en étoile de mer, en faisant des galipettes, en bord de Meuse, l'oreille collée au gsm, espérant une lettre de la police, de ma mère, de décès, d'un amant, ou d'un ami lointain, sous le soleil, à côté du radiateur...
... je l'aurai attendu ce paradis, j'aurais voulu le voir tomber comme le font les orages, je l'attendais imminent comme une révélation, je le songeais grand, lumineux, impossible à louper.
Et je le rêve encore ainsi quand en rouvrant les yeux, s'impose devant mon regard déçu, un triste radis - je suis presque sûre que c'est moi même qui l'ai acheté et mis juste là, mais je ne me rappelle pas, sûrement étais-je très concentrée à meubler mon "paradis" - j'adore les radis, ce n'est pas ça... ils ne sont pas seulement bons au goût et pour la santé, mais ils sont beaux à regarder... c'est dommage la maladresse de ce radis en concret, il s'est présenté là au rdv dans lequel, comme toujours, j'attends le paradis même...

La pensée est inversement proportionnelle aux actions, on le sait : "deux cons arriveront toujours plus loin en marchant que deux intellectuels autour d'une table".
Mon art c'est l'art du Fait-néant, je suis une fraude honnête à l'art. Si l'art conceptuel fait primer l'idée sur la réalité matérielle de l'oeuvre, je suis alors un artiste conceptuel extrême, mes idées débordent, périmées de naissance, et se rendent invisibles dans leur manque d'être qui est leur raison de vivre.

Sheila de la Cal Pérez, extrait de Métacognitions infructueuses.