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OLIVIER PÉ (BE) - ÉCOUTE, CA TREMBLE, 2016


Olivier Pé est d’abord le peintre d’un univers viscéral où l’odeur capiteuse d'essences extraites au sein même de la chair se trouve empreinte de fulgurance, de transgression extatique. Une telle exaltation se confronte à l’usure et à la fin souvent brutale que portent en germe les expériences sensuelles érigées en pratiques de vie. Elle entre aussi nécessairement en mutation, l’artiste est alors amené à changer de direction par absolue nécessité.

Au fil d’une évolution lente et progressive, une nouvelle voie a véritablement pu croître, s’enracinant cette fois moins dans la chair que dans sa relation au dehors. Dans la perspective, suivant un processus de décomposition, de nourrir à nouveau le vivant. L’écoute consciente et méthodique d’une respiration encore légèrement haletante, fébrile des émois de la veille, le lâcher prise, la justesse d’un geste moins appliqué, moins technicien et d’autant plus relié, définissaient peu à peu le langage d’une pratique nouvelle.

De ses taillis et denses feuillages évoquant un être de chair et d’os plongé dans une atmosphère aqueuse, un organisme à l’image des désirs humains et dont les branchages, rameaux et mousses mimaient tant de zones érogènes, il reste aujourd’hui un ensemble de vibrations sensibles et fugitives. L’opulence qui caractérisait alors sa démarche a laissé place à une brise leste, presque imperceptible, qui circule parmi tout ce qui pousse et frémit pour se diriger vers la lumière.

Si le désir d’extase semble s’être définitivement éteint, c’est à bien y regarder toujours de désir et de pulsion vitale que traite Olivier Pé. Aux enivrantes Anarmonies a succédé l’infime bruissement des pousses tendres, mais on sait l’intensité qu’elles contiennent en germe. Le caractère quasiment inaltérable d’un végétal qui ne se rebelle jamais, ne rage ni ne traque mais persiste toujours, fait du règne animal un événement infime, des réalisations humaines des choses insignifiantes.

Si l’animal se dévoile ici sous la forme de vanités, c’est bien pour nourrir le végétal : les chairs se décomposent et intègrent l’humus pour ne laisser visible que les os. Quand la croisée des chemins se trouve si singulièrement jonchée de structures architectoniques, c’est afin que leurs arêtes se brisent et se démultiplient, deviennent courbes, nervures, tissus organiques. En ces liens complexes, indicibles, en ces ramifications s’organisent et s’équilibrent une vie d’apparence fragile et la conscience de sa nature tellurique.

C’est au cours de ces déambulations, qui prennent parfois l’apparence trompeuse d’errances, qu’Olivier Pé a repris son souffle. Et c’est à travers leurs traces que ce souffle, qui porte bien au- delà des ambitions de l’artiste, peut nous parvenir.

Yannick Franck