Droubaix

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installation - 540 x 250 x 120 cm

aluminium, panneaux composites, résine, ventilateurs USB, câble, colliers de serrage, 
couvertures de survie



DAVID DROUBAIX (FR) - LA VIOLENCE EST UN LANGAGE, 2017


OBEY.


Alors que je découvre le film de John Carpenter They Live, sorti en 1988, je suis saisie par la scène du politicien à la tribune derrière lequel s’affiche le mot d’ordre OBEY. Malgré un relent de série B, le film n’a rien perdu de sa pertinence et dénonce avec opiniâtreté les dérives de nos démocraties agonisantes – puissance de la propagande consumériste, surproduction industrielle, chômage ou aliénation au travail, exactions policières, perte de toute aptitude critique de la population... Seul le héros, qui enfile un peu malgré lui une paire de lunettes de soleil créée par la guérilla, peut percevoir la réalité. Dans la fiction l’homme n’est pas responsable de ces déviances au service d’un capitalisme débridé ; il est victime de l’invasion de créatures dont les visages réels sont des crânes aux orbites habités de globes obscurs et brillants. Il suffirait de nous en débarrasser pour que l’Amérique redevienne « great again »
Ce n’est pas tout à fait ce que semble penser David Droubaix, à l’heure où les abus policiers peuvent rester impunis et l’état d’urgence devenir la norme. Si l’on peut douter du caractère humain de la violence et de la cupidité à l’oeuvre dans nos sociétés, les lunettes de la lucidité ne dévoileront que ce que nous savons déjà. Droubaix, biberonné à la science-fiction comme aux textes de Fréderic Lordon, reprend à son compte les injonctions du film de Carpenter - « WORK 8 HOURS » entre autres - écrites en led sur les pâles de mini ventilateurs usb, placés le long des sculptures bien nommées La Violence est un langage. Quel est le juste combat ? semble ainsi demander l’artiste. De ce grand écart référentiel, Droubaix tire des oeuvres périlleuses, dernières rescapées d’une violente bataille. Ces agrégats d’aluminium et de polymère paraissent avoir misérablement survécu tandis que les ventilateurs s’agitent dans un dernier sursaut de mise en garde. Nul besoin de chercher les responsables des défaillances de notre système à la fois mort et vivant, dont, selon Lordon, le zombie serait le personnage le plus représentatif. 
Un moulage d’une paire de lunettes, placé au sommet d’une tige en résine, rappelle d’ailleurs la majestueuse inutilité de l’appareil optique. Entre attraction et répulsion, les oeuvres de Droubaix ne cherchent pas à démontrer une vérité, sises entre le héros de Carpenter en guerre contre l’asservissement des envahisseurs et le hobereau féru de romans chevaleresques autoproclamé chevalier errant, engagé contre des géants fictifs. Lequel est aliéné, lequel est éclairé ? La perception de la réalité est-elle universelle ? Le combat à mener pour son rétablissement peut-il l’être aussi ? Alors, quelles armes fourbir ?

Sophie Lapalu, 2017